Jacques Demy souhaitait depuis longtemps mettre en scène une nouvelle version d’Orphée au cinéma, plus proche de la mythologie que de l’adaptation de Jean Cocteau, auquel le film est pourtant dédié. Il s’agit pour Demy, à travers le récit fantastique de voyages entre la vie et la mort, d’explorer la dimension la plus tourmentée de son univers, la face sombre de sa propre personnalité et de l’époque contemporaine, avec de troublantes résonances autobiographiques. Le titre définitif du film, Parking (après Monsieur Orphée, longtemps envisagé), exprime la tentation du sordide et de l’explicite chez un cinéaste connu pour son goût de l’harmonie et de la litote. La crudité des thèmes abordés (inceste, bisexualité, drogue) s’accompagne d’un esthétisme blafard, presque glauque, synchrone avec le cortège de violences et de fléaux apparus dans les années 1980. Les défauts de Parking sont évidents. Il y a d’abord la composition de Francis Huster, bien peu crédible en rock star déclenchant l’hystérie des foules à chaque apparition, et qui exigea de chanter lui-même, à l’encontre des principes stricts de Demy sur le doublage des acteurs, appliqués avec succès depuis Les Parapluies de Cherbourg. Le fossé est grand entre le charisme incertain de l’acteur et les modèles invoqués par Jacques Demy : John Lennon, Jim Morrison, Mick Jagger ou David Bowie, auquel le rôle fut initialement proposé. Le désistement de Bernard Évein, l’indispensable décorateur de Demy, se fait aussi cruellement sentir. Le film souffre d’une préparation trop courte et d’un budget insuffisant à satisfaire le perfectionnisme et les ambitieuses visions poétiques du cinéaste. On ne peut que regretter qu’un film aussi personnel et important dans la filmographie de Jacques Demy soit finalement devenu un sujet d’embarras pour le cinéaste (au point qu’il envisagea d’abandonner le cinéma après cet échec critique et public) et pour ses plus fervents admirateurs. Il n’y a pas de second degré au cinéma, et surtout pas dans celui de Jacques Demy. C’est pour cela qu’il est difficile d’éprouver quelque plaisir coupable à la vision de Parking, de se divertir de ses maladresses. Au contraire, l’expérience est triste. Cela n’empêche pas de saisir, au-delà de l’étrangeté du résultat, les enjeux majeurs et les audaces déçues de ce film mineur.