Ceux que j’avais filmés en l’an 2000 pour le documentaire Les Glaneurs et la glaneuse avaient surpris, touché et instruit les spectateurs et c’est moi qui recevait bravi… et récompenses. Je disais, quand les applaudissements cessaient, que j’avais conscience de n’en prendre qu’un peu pour moi et le reste pour ceux qui étaient le centre du film, sa raison d’être. Par ailleurs j’avais gardé le contact avec certains des démunis rencontrés en cours de tournage et il m’a semblé très naturel d’entreprendre une courte suite au premier film pour donner de leurs nouvelles. De fil en aiguille et parfois parce qu’il me fallait rôder et chercher à les retrouver, j’ai fait d’autres rencontres. Ou choisi de faire parler Macha Makeieff, grande ramasseuse – glaneuse – collecteuse d’objets inconsolables. Elle représente avec finesse et excès ce goût commun pour les trouvailles et autres brocantes. J’ai moins suivi le glanage agricole qu’il y a deux ans et cette fois aussi j’ai manqué le glanage des cerises et des pêches.

À la sortie et à la diffusion des Glaneurs j’ai reçu tant de lettres et de petits cadeaux surprenants et affectueux que je me devais de « faire quelque chose ». Écrire pour remercier ne suffisait pas et d’ailleurs je n’arrivais pas ou plus à répondre au courrier. Je me suis mise à filmer les lettres et les images reçues, j’ai été rendre visite à des inconnus qui m’avaient écrit.

Deux ans après : Si ce documentaire bis est la chronique des réactions au premier documentaire, il est aussi une illustration « des pensées d’après coup » ce que les anglophones nomment « afterthought ». En effet, chacun avait quelque chose à dire après avoir vu Les Glaneurs et la Glaneuse. Moi-même, avec le recul, j’ai pu découvrir, dans mon travail qui se souhaite informatif car documenté, le travail de l’inconscient (le mien) qui s’y est infiltré. Enfin, les patates-cœurs découvertes dans les déchets hors format sont restées, comme dans le premier film, des images emblématiques. Cette fois-ci j’ai filmé celles qui, après avoir séché et même pourri, se remettaient à germer. L’énergie végétale est belle à voir. Agnès Varda

Ce documentaire commencé comme un petit bonus pour le DVD des Glaneurs est devenu un film à part entière qui vit sa vie et le super-bonus du DVD (co-édité par le Scérén-CNDP).